JEF 
Octobre 2021

Des fils invisibles

 
 
 

Lors d’un court séjour à Paris sous le signe des retrouvailles, souhaitant refermer symboliquement les portes de ces mois de confinement, le 22 septembre dernier, j’organise une projection de J’arrive. Rassemblant quelques fidèles qui depuis des années ont la gentillesse de suivre nos activités, je les convie à une vision de mon film, non mixé, le premier épisode d’une trilogie du récit des dernières années de la vie de Jacques.

Je les accueille dans l’ambiance feutrée du Club 13 grâce la générosité de Claude Lelouch qui nous en ouvre les portes. Notre hôte, ami de mon père, y place en évidence l’affiche de son dernier film et je suis touchée par son titre : L’amour est plus fort que la vie !

Cette phrase m’arrive comme un étrange sourire complice venu d’ailleurs. La formule correspond si justement au fondement de ma démarche dans la réalisation des trois films en chantier. 

Les témoins qui interviennent dans J’arrive et que j’ai eu la chance d’interviewer, nous transmettent certes leur récit, décrivent leurs étonnements, leurs incompréhensions, témoignent parfois aussi de leurs blessures face aux contradictions, excès et débordements de l’homme hors norme qu’ils ont côtoyé. Mais assurément tous expriment leur amour pour Jacques, devenu plus fort que leur vie et ce, plus de 40 ans après sa disparition. 

Empêché les 22 et 23 septembre, je présente le film à Claude Lelouch, le 24 septembre. À la fin de la séance, le réalisateur parle d’un film fort ne pouvant se classer dans la catégorie des documentaires, témoignant avec émotion du moment qu’il vient de passer avec son ami. Il me confie encore qu’en 1977, à cette même adresse, il observe Jacques se délecter d’une bière comme s’il s’agissait de la dernière. Il me précise encore s’être inspiré de cette scène pour la tourner dans un autre contexte, dans son dernier film.

Au terme de notre conversation, Claude me souffle encore cette petite phrase : Les enfants sont reliés à leurs parents par des fils invisibles.

L’image est belle mais je reste toutefois convaincue que tous, parents, enfants, amis, créateurs ou anonymes, chacun de nous est transpercé par ces fils invisibles. Ils construisent un réseau d’amour qui nous aide, par l’énergie qu’ils diffusent, à traverser les aspérités de nos vies et à tisser l’évidence de nos destins. Quand nous les ressentons vibrer, ils nous apportent des sentiments de paix et de sérénité, comme ce fut mon cas lors de ces projections, alors que nous passons à la Fondation, ce 29 septembre 2021, le cap des quarante ans de transmission.

France Brel

 
 
  
 
 
 
 
 

Rencontres avec France 

 Charleroi 

Samedi 2 octobre de 15h à 18h30 
Librairie Molière (Boulevard Tirou 68, 6000 Charleroi)

 Malmedy 

Samedi 9 octobre de 16h30 à 19h
Librairie L’aventure (Chemin-Rue 4, 4960 Malmedy)

 Salon éduc à Marche-en-Famenne 

Mercredi 13 octobre de 13h30 à 15h (dédicace)
Samedi 16 octobre de 11h à 12h30 (dédicace)
Samedi 16 octobre de 15h à 16h (conférence)
WEX (Rue des Deux Provinces 1, 6900 Marche-en-Famenne), Stand Auzou 31

Gacé

Samedi 23 octobre à partir de 20h (conférence + projection des Adieux à L’Olympia)
Cinéma Tahiti (Av. de Tahiti, 61230 Gacé)

 
 
  
 
 
 
 
 
 
 
 

France continue à vous présenter les intentions de la chronique qu’elle écrit et l'illustre par un extrait

 Cette Chronique du fil des jours de la vie de mon père me permet d’évoquer les personnes qui occupent une place déterminante sur son chemin.  C’est le cas de l’abbé Dechamp à l’Institut Saint-Louis qui décèle rapidement les capacités de son jeune élève mais également les auteurs et compositeurs que Jacques admire depuis l’adolescence et qui imprègnent son œuvre.   

En septembre 1943, regrettant parfois le style moins exigeant de l’enseignement de Saint-Viateur, avec notamment sa distribution de soupe à dix heures, mon père entre en cinquième année latine.

Beau présage pour cette rentrée, voilà qu’il se retrouve face à son ancien professeur de mathématiques, le jeune abbé Dechamps. Celui qui lui avait confisqué son texte La Mer devient aujourd’hui son professeur, titulaire de classe, de 5e C. Il n’est plus question avec lui ni de géométrie, ni de mathématiques. L’abbé lui enseigne désormais le français, le grec, le latin, l’histoire et la géographie. Mon père est heureux de retrouver sur sa route cet adulte qu’il avait perçu comme différent des autres.

Sur le mur du fond de sa classe, l’enseignant punaise une affiche jaune sur fond noir, représentant des églises de Flandre et sur laquelle chacun peut lire : « C’est la Flandre pourtant qui retient tout mon cœur. » La citation est signée Émile Verhaeren, ancien élève de l’Institut. Dès les premiers jours de classe, apprivoisant les visages de ses nouveaux élèves, le professeur, face aux regards plus ou moins attentifs, présente le célèbre poète belge et lit l’un de ses poèmes, Dégel la récitation qu’il demande à ses jeunes têtes blondes d’apprendre pour la semaine suivante. 

Il neige blanc sur l’Escaut jaune
Tout est déteint, brouillé, fondu,
Et par les bois et les chemins perdus
Les mendiants n’arrivent plus à chercher l’aumône[1]

Des chemins de pluie[2]

Les mots, les rimes, les descriptions, les images et le rythme des vers que mon père vient d’entendre, l’impressionnent. Il se répète lentement : par les bois et les chemins perdus, et audacieusement ces mots deviennent, dans son imagination et par harmonie imitative, des chemins de pluie°. Émerveillé par les précisions des paysages et le décor de ces vieux autour du feu, Jacky est sous le charme de cette langue qui rejoint comme par enchantement son sens de l’observation, sa sensibilité.

Le courant passe bien entre Jacky et l’enseignant qui ressemble à monsieur Bertrand de l’Institut des Clercs de Saint-Viateur. Ces deux professeurs passionnés de littérature sont habités par le même désir de transmettre d’autres choses que la stricte matière du programme à enseigner durant l’année. Jacky n’a pas oublié l’épisode de son texte confisqué il y a deux ans, qui lui valut, certes, d’apprendre une récitation comme punition, mais qui surtout, avait plu à l’enseignant. Le maître et l’élève s’apprivoisent doucement.

Une image contenant photo, assis, avant, regardant

Description générée automatiquementC’était un garçon très timide mais qui, lorsqu’il sortait de sa timidité, il n’y avait plus de mesure chez lui [sic]. Il allait à l’extrême. C’était tout ou rien. Ou bien il criait ou bien il ne parlait pas. Ou bien il était enthousiaste ou bien il était un peu dépressif. Très nettement. Mais d’une très grande délicatesse. La plus belle rédaction était presque toujours celle de Jacques. Pour le fond et pour la forme. D’un rien il faisait quelque chose de beau. Celle sur le thème de sa chambre était une merveille. Sa fenêtre, sa petite lampe sous laquelle il travaillait et de temps à autre une mouche qui venait le distraire et qui l’amusait, tous ces petits détails étaient vivants chez lui. Il avait la passion du français, du verbe, des mots. Un jour il est venu me voir en me demandant si je pouvais laisser huit jours aux élèves pour préparer leur rédaction car il manquait de temps pour bien s’y consacrer. Quand je lisais sa rédaction dans la classe, il y avait un silence extraordinaire. On sentait que les enfants étaient pris par ses textes. Il y a un auteur qui l’a fort marqué, c’était Émile Verhaeren[3].

Devenant un véritable allié aux côtés de mon père pour le guider dans ses enlisements scolaires, l’abbé Dechamps reconnaît les capacités de son élève à rédiger. Toutefois, pour ne point trop le décourager, en son âme et conscience, il refuse de tenir compte de ses fautes d’orthographe.

Une image contenant photo, assis, avant, regardant

Description générée automatiquementCe qui était catastrophique chez lui, c'était son orthographe !
C’était désespérant
[4].

L’abbé Dechamps, passionné par la poésie transmet à son élève son admiration pour les poèmes d’Émile Verhaeren. Ravi de cette passion partagée qui leur offre des moments de complicité il observe Jacky, et note tout comme l’écrivain Stefan Zweig au sujet de Verhaeren « l’excès le tente plus que la mesure[5] ».

L’adolescent se sent proche de la sensibilité du poète, de ses mots qui décrivent les paysages comme des tableaux. Les vers, les métaphores et les allitérations de l’auteur entrent par la grande baie vitrée de l’âme de mon père, assoiffé de beauté et d’émotions. Séduit par ce lyrisme, Jacky, emporté par son admiration, constate que celle-ci apaise son sentiment d’isolement et le fil des jours parait moins lourd.

 Une image contenant homme, photo, personne, tenant

Description générée automatiquementIl n’est pas pensable que Verhaeren ait eu un autre ciel que le ciel qu’il y a là-bas au-dessus de sa tête pour écrire ce qu’il a écrit. C’est un ciel qui rend humble. Ce ciel est tellement bas qu’on est obligé de se voûter un peu en dessous[6].

De plus en plus séduit par les rythmes et les rimes du poète de Saint-Amand, mon père s’attarde sur les passages qu’il apprécie particulièrement pour leur foisonnement d’adverbes qui, tel un objectif avec son zoom avant, agrandit le calice des mots. Jacky s’en imprègne presque avec volupté, lui rappelant parfois les propos de son père évoquant son pays de plaines.

Heureux d’avoir enfin trouver un adulte non-déserteur°, capable de préserver l’essentiel, en qui il peut enfin avoir confiance, l’adolescent tisse, au fil des jours, des liens constructifs avec cet abbé, toujours disponible et compréhensif.

Devenu conscient du calme que lui procure la musique, il s’offre régulièrement des moments de rêverie, écoutant les concerts diffusés à la radio. Sa découverte de Berlioz l’impressionne tout particulièrement. Il apprécie la fougue du compositeur et se sent proche de cet artiste dont les parents n’acceptèrent jamais de prêter la moindre attention à son rêve de musique, voulant avec obstination que leur fils devienne médecin.

À l’écoute de la Symphonie fantastique, l’adolescent est sensible à cette guirlande de sentiments tourmentés qui envahissent le héros amoureux mis en scène dans l’argument musical. Jacky se les approprie aisément tant grondent en lui des cortèges d’incompréhensions face à ce monde dans lequel on lui demande de grandir sans poser de questions.

À suivre… 

 
 
  
 
 

Emile Verhaeren, tableau de Théo Van Rysselberghe

 
 
 
 
 


Histoire de la Fondation Brel en 12 épisodes
Episode 10/12

 
 
 

De 2007 à 2010

Entre 2007 et 2010 la Fondation s’investit dans une nouvelle mission, pas encore terminée à ce jour : filmer des témoins familiaux, amicaux et professionnels de la vie de Jacques pour sauvegarder leur témoignage. Au fil des mois j’ai interviewé une soixantaine de personnes… lire la suite

 
 
  
 
 
 
 

Pendant ce mois de septembre, les oeuvres de Jacques Brel ont inspiré… 

 
 
 

Ne me quitte pas 

Dans une nouvelle traduction en créole réunionnais, de Loïc Gigan.

Au suivant

Dans son adaptation anglaise « Next » reprise dans le documentaire « Last Dance » de Coline Albert, interprétée par The Sensational Alex Harvey Band (1973).

Bruxelles

Dans le court-métrage « Bruxelles » produit par la société Postofilm. 
Synopsis : Extérieurement, Sandra n'a rien d'extraordinaire. C'est une femme d'une quarantaine d'années qui vit seule à Berlin. Sa vie est faite de travail et de rencontres occasionnelles avec ses amis. Mais à l'intérieur, les choses semblent très différentes. Sandra fait face au chagrin d'une séparation il y a des années. Après que son mari Marek a décidé de la quitter et de s'installer à Bruxelles pour poursuivre sa carrière professionnelle, Sandra n'a jamais réussi à s'en remettre...

Il neige sur Liège 

Dans un arrangement pour quintette de clarinettes.

Ne me quitte pas

Utilisation de la chanson Ne me quitte pas dans un long-métrage suisse.
Synopsis : Au début des années 1960, Matthias, un ancien militaire ayant effectué son service militaire au Congo belge, s'exile volontairement sur une île perdue au milieu de l'Atlantique. Son espoir est d'échapper à son passé et peut-être même de s'y construire un avenir… 

Ne me quitte pas

Intégration d’une adaptation par Frederik Neyrinck de la chanson « Ne me quitte pas », qui sera jouée live par Asko Schönberg, dans Rhapsody, une nouvelle production gantoise de LOD muziektheater.
Rhapsody est un spectacle fantasque, un hommage à la pensée, au doute et à l’ignorance, car “il ne faut pas tout comprendre pour sentir que c’est important”.

La Chanson des vieux amants

Dans l’opéra-documentaire « L’Amour/ La Mort ».
Synopsis : Mohamed El Bachiri (39 ans) a perdu son grand amour Loubna Lafquiri, la mère de ses trois fils, dans les attentats islamistes de mars 2016 à Bruxelles. Il a écrit une ode à Loubna, sur l'amour, le vivre ensemble, la foi et l’humanité… 

 
 
 
 
 

Agenda

Jacques BREL, journal de bord en 20 chansons

« BREL l'indompté, BREL l'inégalé, BREL l'insaisissable ne cesse de nous étonner...

Valentin BEAUNE au piano, Régis LARDEUX et leur invitée surprise auront le plaisir d'interpréter des chansons célèbres et autres pépites moins connues de cet immense poète de la chanson.

Dimanche 3 OCTOBRE & Dimanche 10 OCTOBRE à 15 heures à La Chapelle de l'Oratoire, 1, rue Montesquieu, 72000 Le Mans

Entrée libre, participation au chapeau
* Contrôle du Pass sanitaire pour tous à partir de 12 ans à l'entrée du Lycée Montesquieu
* Port du masque obligatoire dans la Chapelle de l'Oratoire

 
 
  
 
 
 
 

Vos témoignages

« Les présentations sont tellement intéressantes, fascinantes et en même temps émouvantes qu’on ne veut plus partir. Merci. » Stephan et Regina

« Magnifique immersion dans un passé merveilleux grâce au talent immense du Grand Jacques. Merci. » Christine

« Belles découvertes autant de Brel que de Bruxelles… À conseiller sans modération ! Merci à la Fondation. » Isabelle

« Avons passé 2 heures très intéressantes en redécouvrant la vie de Jacques Brel et en réécoutant ce magnifique interprète. Merci pour ce beau moment. » Yves

« Magnifique, les mots nous manquent. À bientôt ! » José

 
 
  
 
 
 
 

Revoir

France était l’invitée de Patrick Simonin ce jeudi 24 septembre sur TV5 Monde :
« Je veux enfin dire la vérité sur mon père. » 

 
 
 France BREL : "Je veux enfin dire la vérité sur mon père" 
 
 J'ARRIVE Bande annonce (2021) 
 
 
 
 

             

 
 
 

© Fondation Jacques Brel d’utilité publique 2018.

 
 
 
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