Jef
Décembre 2018
« La crèche de Noël, qu'il imagine dans son texte Je prendrai, me permet de publier ce souvenir de mon père. Lors d’un séjour familial à Bruges, tenté par l’aventure de ses rêves, le jeune Jacky fuit un soir de Noël l’ennui des adultes, pour une promenade en solitaire. »
« Puisque c’était Noël et la fête des enfants, j’avais bien le droit de vivre pour quelques heures comme j’en avais envie... Alors, je me suis mis à marcher le long du canal... Je marchais, je marchais sans fin... C’est bien pratique, le plat pays, pour des pieds et des rêves d’enfant. Il me semblait que plus rien ne me rattachait au sol. Et peu à peu, dans ma jeune tête, se bâtissait le paysage de ma légende. Sur les eaux mortes du canal, voici que glissait un vaisseau, toutes voiles aux vents... Un vaisseau dont bien sûr, j’étais le capitaine... Le vieux béguinage s’effaçait pour faire place à quelque canyon fabuleux. Il pleuvait des tro- piques, des jungles et des tempêtes, dans ma cer- velle d’enfant... Combien de temps ai-je ainsi marché en rêvant? Je l’ignore... Je me souviens seulement que lorsqu’on m’a attrapé et ramené au bercail, les bougies du sapin étaient mortes depuis longtemps. Mais j’avais eu mon Noël à moi, bien plus beau que celui qu’on m’aurait fabriqué. »
(Germinal, 19/12/1969)
- Extrait du livre Jacques Brel auteur, France Brel